Mesurer la culture de la sécurité alimentaire devient concret
L'UGent développe un protocole pour les entreprises

Dans un article précédent, nous avons parlé des recherches gantoises sur un outil permettant de cartographier la culture de sécurité alimentaire dans les entreprises. En collaboration avec Flanders' FOOD, le groupe de recherche a récemment présenté les résultats de l'étude, qui promet de rendre tangible ce concept vague mais crucial.
Culture de sécurité alimentaire
Une solide culture de sécurité alimentaire est essentielle pour produire des aliments sûrs et de qualité. Non seulement elle est importante mais en plus, il est obligatoire d'en rendre compte: la mise en place, le maintien et la capacité à prouver l'existence d'une culture de sécurité alimentaire appropriée sont imposés par la législation européenne en matière d'hygiène depuis 2021 et inclus dans la plupart des cahier des charges commerciaux.
Il faut donc travailler dur pour atteindre un niveau élevé de culture de sécurité alimentaire, mais la question a toujours été de savoir comment y parvenir. En effet, qu'est-ce qu'une solide culture de sécurité alimentaire? Et comment l'améliorer concrètement au sein d'une entreprise spécifique?
Ce concept reste donc difficile à mettre en œuvre pour les responsables (qualité) et les entreprises. Il est abstrait, difficile à démontrer et pas encore facile à contrôler. En outre, la recherche sur les processus d'amélioration visant à rehausser le niveau de cette culture est très limitée pour le moment.
La solution
L'UGent veut changer les choses. Plus précisément, la doctorante Pauline Spagnoli – encadrée par les professeurs Liesbeth Jacxsens et Peter Vlerick – travaille sur un projet qui vise à créer un instrument concret permettant: (1) de cartographier le problème, (2) d'analyser le problème et (3) d'intervenir. Ces trois aspects font partie de la feuille de route visant à améliorer la culture de sécurité alimentaire. Le projet bénéficie du soutien financier de VLAIO et de Flanders' FOOD.
Qu'est-ce qu'une solide culture de sécurité alimentaire?
Et comment l'améliorer?
Pour cartographier le problème (première étape de la feuille de route), on a choisi une mixed-method assessment (avec des outils existants et nouvellement développés). Cette approche est invariablement recommandée par plusieurs experts en la matière.
En outre, une méthodologie d'analyse des lacunes est appliquée pour déterminer où se situent effectivement les problèmes à l'instant et comment ils peuvent être améliorés. Cette analyse des lacunes combine toutes les données (observations, perceptions, analyse de documents, entretiens, etc.) du diagnostic afin d'analyser les causes de la maturité élevée ou faible de la culture de sécurité alimentaire, ce qui est essentiel pour développer des interventions sur mesure.

concrètement
La méthodologie de diagnostic approfondi peut maintenant être appliquée pour élaborer des stratégies d'amélioration sur mesure (interventions) afin d'améliorer le niveau de la culture de sécurité alimentaire. Mais comment cela fonctionne-t-il concrètement?
méthode
Comme indiqué plus haut, on a choisi une mixed-method assessment pour collecter les données nécessaires. En d'autres termes, plusieurs approches ont été combinées afin d'intégrer différentes perspectives. L'objectif de cette première phase est d'identifier les dimensions de la culture de sécurité alimentaire qui sont matures et celles qui sont 'sous-développées'. L'ensemble des scores obtenus pour ces dimensions donne une image de la culture de sécurité globale et des domaines dans lesquels des interventions sont nécessaires.
Plus précisément, la mixed-method assessment consiste en une combinaison d'approches objectives, subjectives, quantitatives et qualitatives. Au total, six méthodes ont été utilisées pour cette évaluation sur base de méthodes mixtes:
- Food Safety Management Systems Diagnostic Instrument (FSMS-ID). Cette méthode est fréquemment utilisée dans la littérature scientifique pour déterminer la maturité de la culture de sécurité alimentaire. On évalue les 34 indicateurs sur le niveau de risque du contexte et le degré de développement des activités de contrôle et d'assurance. Le score final est déterminé conjointement par les chercheurs et le responsable qualité de l'entreprise, décrivant le niveau de maturité pour chaque dimension. Cette méthode est qualitative et subjective.
- Food Safety Climate Tool. Ce questionnaire évalue la perception qu'ont les employés du leadership, de la communication, des ressources, de l'engagement et de la conscience des risques, dans le contexte de la sécurité alimentaire. Cette méthode est quantitative et subjective.
- Management interview. Au cours de cet entretien avec les dirigeants de l'entreprise, quatre dimensions sont examinées: l'adaptabilité, la cohérence, les valeurs et les normes, ainsi que la vision, la mission et la stratégie. Plus précisément, il est possible de choisir parmi trois descriptions celle qui correspond le mieux à l'entreprise, ce qui donne un total de 10 indicateurs pour les dimensions énumérées. Chaque description correspond alors à un certain score. Cette méthode est qualitative et subjective.
- Visites sur place pour recueillir des données. Avec cette méthode, un chercheur recueille objectivement des données sur le climat de sécurité alimentaire par le biais de l'observation. Des entretiens sont également menés et des documents sont analysés. On étudie ici les neuf dimensions mentionnées dans les méthodes 2 et 3. Cette méthode est qualitative et objective.
- Test de connaissances. Les connaissances des employés en matière de sécurité alimentaire sont testées à l'aide de questions à choix multiples comportant chacune une option correcte. L'objectif est d'identifier les lacunes en matière de connaissances, qui pourraient être liées à une communication et à une formation insuffisantes de la part de la direction et des superviseurs. Cette méthode est quantitative et objective.
- Evaluation personnelle par les employés. Dans cette méthode, les employés remplissent un questionnaire pour évaluer leur propre comportement. Il s'agit alors de savoir dans quelle mesure ils connaissent les mesures de sécurité alimentaire, les respectent effectivement, participent à cette culture, dans quelle mesure ils sont motivés pour cela et comment ils se sentent. Leurs connaissances estimées sont ensuite comparées au test de connaissances objectif (méthode 5). Cette méthode est quantitative et subjective.
Cette méthode permet de collecter un grand nombre de données et d'obtenir des scores concrets pour les nombreuses dimensions. Ceux-ci vont de zéro (pas d'application) à un (réactif et donc peu mature), deux (actif) et trois (proactif et donc très mature). Avec un score réactif, on est à la traîne tandis qu'avec le score le plus élevé, on peut identifier des problèmes potentiels de manière proactive et les anticiper.
Une note de 1 à 3 est donc attribuée pour toutes les dimensions dans ce qu''on appelle la 'maison de sécurité alimentaire' d'une entreprise. Les dimensions sont divisées en plusieurs piliers cohérents. La 'maison' de l'entreprise constitue un modèle de la culture de sécurité alimentaire de l'entreprise en question et sert donc de base à d'autres analyses et améliorations.
La plus grande valeur ajoutée réside dans l'élaboration d'une approche approfondie visant à mettre au jour les points problématiques
Ensuite, on applique l'analyse des lacunes mentionnée plus haut. Concrètement, cela signifie que toutes les dimensions dont le score est inférieur à 2_3 (un résultat supérieur à 2 mais inférieur à 3) ou toutes les dimensions qui s'écartent d'un point ou plus entre les différentes méthodes sont considérées comme une lacune. Il s'agit donc d'un écart entre ce que la dimension devrait obtenir et ce qu'elle obtient effectivement.
Résultats
Pour chaque lacune, les causes ont été analysées. Les lacunes identifiés et leurs causes ont ensuite été présentées et discutées avec l'entreprise, afin d'obtenir son point de vue et de fixer certaines priorités dans le développement d'interventions visant à combler ces lacunes.
Une publication scientifique récente sur la recherche gantoise présente une étude de cas où cette méthode intégrée a été appliquée. Les résultats varieront évidemment d'une entreprise à l'autre, mais l'étude de cas donne une bonne idée de la manière dont la méthode est appliquée et du type de résultats qui peuvent être obtenus.
L'aspect le plus intéressant, bien sûr, est de savoir comment convertir efficacement les résultats de l'analyse des lacunes en recommandations et solutions concrètes pour combler ces lacunes. Il n'existe pas encore de réponse globale à cette question: il s'agit toujours d'une évaluation et d'une enquête au cas par cas afin d'obtenir l'intervention appropriée. Bien entendu, la cartographie des zones à problèmes constitue une étape cruciale à cet égard.
La principale valeur ajoutée de cette étude réside donc dans l'élaboration d'une approche approfondie de l'identification des zones à problèmes, qui va beaucoup plus loin que les méthodes précédentes. Pratiquement toutes les dimensions imaginables sont prises en compte, avec des approches adaptées pour mesurer chaque aspect.
Le seul aspect manquant est peut-être la couche la plus profonde: les idées sous-jacentes. Une observation continue sur une longue période est nécessaire à cet effet et cette dimension est plus susceptible de faire surface dans les dernières étapes du voyage.
La combinaison de données subjectives et objectives présente un grand avantage. En effet, les résultats préliminaires ont montré que les personnes elles-mêmes évaluent généralement le climat de sécurité alimentaire mieux que ne l'indiquent les paramètres objectifs. La visite des chercheurs dans l'entreprise est donc cruciale. Les entreprises qui souhaitent améliorer leur culture de sécurité alimentaire doivent donc être prêtes à s'ouvrir complètement.
Conclusion
Les chercheurs ont délibérément choisi de ne pas attribuer un score global et univoque à LA culture de sécurité alimentaire. Il s'agirait d'une généralisation dangereuse qui pourrait induire en erreur. Certains problèmes pourraient se cacher derrière des dimensions bien notées. L'étude souligne l'importance des nombreuses nuances dans les évaluations pour la conception d'interventions concrètes.
L'étude propose un cadre théorique actualisé pour mesurer la culture de sécurité alimentaire et, surtout, pour identifier les problèles. L'étude de cas montre l'importance des dimensions ajoutées: elles sont à l'origine de lacunes et doivent donc être traitées. Les méthodes plus anciennes n'auraient pas tenu compte de ces aspects.
Comme le soulignent les chercheurs eux-mêmes, l'étude fournit avant tout une méthode concrète pour réaliser les deux premières étapes de la feuille de route: cartographier le problème d'une part et l'analyser d'autre part. La troisième étape – la re-conception à l'aide d'interventions concrètes – est beaucoup plus difficile à cerner. Toutefois, ces mêmes chercheurs travaillent d'arrache-pied pour la concrétiser. Cette recherche a déjà jeté des bases essentielles pour pouvoir évaluer ces interventions.

